Vous voulez savoir combien de litres d'eau sont prélevés au Québec par les entreprises pour être revendus en bouteille ? C'est secret.
Des organismes environnementaux s'adressent au tribunal pour faire lever le voile opaque sur les millions de litres d'eau collectés notamment par Coca-Cola, Pepsi, Naya, Eska, etc. Selon La Presse canadienne la cause devrait être entendue le 1er mars. Ces renseignements confidentiels pourraient relancer le débat sur les redevances touchées par l'État, jugées trop basses pas l'opposition. La Commission d'accès à l'information avait auparavant refusé de divulguer ces renseignements, au nom du secret commercial. Toutefois, les ONG Eau secours et le Centre québécois du droit de l'environnement (CQDE) contestent la décision devant la Cour du Québec. "Quand la population fait une demande d'accès à l'information pour obtenir les quantités d'eau prélevées par les grands préleveurs, l'accès lui est refusé, mais pour nous, c'est pourtant le gros bon sens ; c'est pour ça que nous sommes devant les tribunaux", a résumé l'avocat Marc Bishai, partenaire du CQDE. Les demandeurs estiment que la loi sur l'eau a préséance, avec ses principes de participation et de transparence. Par conséquent, les organismes jugent que les citoyens ont le droit de connaître l'usage qu'on fait de la ressource qui est selon les termes mêmes de la loi : vitale, épuisable et vulnérable. "Il faut des données précises avant de pouvoir lancer un débat sur la viabilité des prélèvements ou la tarification de ces volumes d'eau. On pourra avoir certainement des débats sur cette question", a reconnu l’avocat qui poursuit : "Mais en amont, avant même de pouvoir en discuter, on ne sait même pas quelle est la quantité d'eau prélevée par chaque entreprise. Une fois qu'on aura cette information, on pourra avoir plusieurs discussions intelligentes concernant les impacts sur l'eau, les possibles conflits d'usage, les redevances appropriées, etc."
De leur côté, le Parti libéral et le Parti québécois ont réclamé récemment la révision à la hausse de la tarification pour l'utilisation de l'eau, inchangée depuis 2010. La Coalition Avenir Québec s'était engagée à revoir la tarification, mais le ministre de l'Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, Benoit Charette, a refusé d'engager cette démarche dans le cadre de l'étude du projet de loi 102 en cours. La grille actuelle est reconnue comme notoirement basse, même plus basse qu'en Ontario. En 2018, on rapportait notamment que deux milliards de litres d'eau embouteillée au Québec avaient généré moins de 150 000 dollars de revenus au Trésor québécois. La même année, l'Ontario avait touché 23 millions de dollars pour l'eau prélevée, fait remarquer la députée libérale Isabelle Melançon. Le taux de la redevance est de 2,50 dollars par million de litres d'eau, mais de 70 dollars par million de litres d'eau pour, par exemple, l'eau en bouteille, la fabrication de boissons, celle de certains produits minéraux et chimiques ou de pesticides ou l'extraction de pétrole et de gaz. En comparaison, l'Italie exige 2 000 dollars par million de litres et le Danemark, 10 000 dollars par million de litres, dénonce la députée.
Le Règlement sur la redevance exigible pour l'utilisation de l'eau vise toutes les industries québécoises qui prélèvent ou utilisent 75 000 litres d'eau et plus par jour.
La Presse canadienne – Radio-Canada